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 Le Tissu Osseux

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LE TISSU OSSEUX

A) L’os immature : encore appelé os réticulaire ou os non lamellaire, il est caractérisé par :

i) l’absence d’orientation organisée des fibres de collagènes (les fibres y sont entrecroisées),

ii) un faible niveau de calcification,

iii) une faible résistance mécanique.

L’os réticulaire est observé au cours du développement osseux (le squelette du fœtus est formé d’os réticulaire) ou chez l’adulte dans les processus de remodelage osseux faisant suite à une fracture. Chez l’adulte, il existe des sites de persistance de l’os réticulaire, en particulier au niveau des zones d’implantation des tendons et en regard de la racine des dents (dans l’os mandibulaire).

B) L’ os mature : il est encore appelé os lamellaire car il est formé de lamelles osseuses superposées. Ces lamelles sont séparées les unes des autres par des rangées d’ostéocytes contenus dans leurs ostéoplastes. À la différence du tissu réticulaire, les fibres de collagène du tissu osseux mature présentent une organisation spatiale stricte, et forment des lamelles de fibres parallèles. On distingue 2 types de tissu osseux mature : le tissu osseux compact et le tissu osseux spongieux.

1) tissu osseux compact ou Haversien : dans le tissu osseux compact, les lamelles osseuses forment des ensembles circulaires nommés ostéons ou système de Havers.  Chaque ostéon est centré par un canal, le canal de Havers, au sein duquel circulent des capillaires sanguins et des fibres nerveuses amyéliniques.

Ces fibres sont de deux types : sensitives et vegetatives.  Les   fibres nerveuses sensitives sont capables de transmettre des informations nociceptives (responsables de la perception de la douleur) et/ou des informations sur les forces de tension mécaniques exercées sur l’os. La riche innervation sensitive de l’os est en partie responsable des douleurs intenses accompagnant les métastases osseuses. On trouve également des fibres nerveuses du système nerveux autonome  (système neuro-végétatif) qui adressent des informations neurovégétatives impliquées dans le contrôle de la douleur et dans le remodelage osseux. En particulier, des travaux récents montrent que le système nerveux autonome module le remodelage osseux via un ensemble de neurotransmetteurs dont les récepteurs sont exprimés, entre autres, par les ostéoblastes (par exemple, des récepteurs adrénergiques sont exprimés par les ostéoblastes). Les ostéons sont séparés par des ostéons incomplets qui dérivent de la résorption partielle d’ostéons. Les lamelles osseuses formant ces ostéons incomplets sont nommées lamelles osseuses interstitielles.

Par ailleurs, les ostéons sont reliés les uns aux autres ainsi qu’avec la surface de l’os par des canaux transversaux, les canaux de Wolkman. Ceux-ci confèrent une résistance maximale au tissu osseux, en répartissant les forces de pression. Le tissu osseux compact est localisé au pourtour des os courts (vertèbres), dans les tables internes et externes des os plats (os du crâne, sternum) ainsi qu’au pourtour de la diaphyse et de l'épiphyse des os longs (tibia, fémur...).

Enfin, le tissu osseux compact de la diaphyse des os long présente 2 caractéristiques supplémentaires :

i) les ostéons sont bordés par des lamelles osseuses parcourant la circonférence externe et interne du tissu osseux compact : il s’agit des systèmes circonférentiels internes et externes,

ii) les canaux de Wolkman relient les ostéons à une cavité osseuse centrale, la cavité médullaire, qui contient du tissu adipeux nommé moelle osseuse jaune.

2) tissu osseux spongieux : il est formé par un réseau de trabécules osseuses délimitant une multitude d’espaces libres. Ces cavités renferment des vaisseaux et de la moelle osseuse rouge (moelle osseuse hématopoïétique). Le tissu osseux spongieux forme la diploé des os plats et des os courts. Il est également présent au niveau de l’épiphyse des os longs. La présence de moelle osseuse rouge dans le tissu spongieux explique la réalisation de  diagnostics hématologiques à partir de ponctions/biopsies pratiquées au niveau du sternum ou de la crête illiaque.

C) le tissu conjonctif associé au tissu osseux : Qu’il s’agisse de tissu osseux mature ou immature, les surfaces osseuses externes et internes sont recouvertes de tissu conjonctif non spécialisé. Le périoste recouvre la face externe des os et comprend une couche superficielle composée de TC dense et une couche profonde composée de TC lâche. Cette couche profonde accueille des cellules ostéorésorbantes (les ostéoclastes) et des cellules souches mésenchymateuses capables de générer des cellules ostéoformatrices (les ostéoblastes). La face interne de ce TC lâche est en contact avec une rangée de cellules ostéoformatrices au repos, les cellules bordantes, qui séparent le tissu osseux du périoste. Par ailleurs, au niveau des articulations, le périoste est laisse la place à du tissu cartilagineux qui recouvre le tissu osseux.  Enfin, la face interne des cavités osseuses est également tapissée d’un TC lâche, l’endoste, qui présente la même composition tissulaire que la couche profonde du périoste.

D) Cellules du tissu osseux :

1) les ostéoblastes : Ce sont les cellules ostéoformatrices du tissu osseux. Elle ont une forme cubique et sont situées au niveau des surfaces externe et interne du tissu osseux. Ce sont les seules cellules de l’organisme capables de synthèser de la matrice osseuse calcifiée. Cette capacité est reflétée par l’abondance en phosphatase alcaline membranaire et la richesse en organites impliqués dans la synthèse protéique (le réticulum endoplasmique granulaire, appareil de Golgi). L’activité ostéoformatrice des ostéoblastes s’achève par leur différenciation en ostéocytes, lorsque la cellule est totalement entourée de matrice calcifiée. Alternativement, on peut observer la mort par apoptose des ostéoblastes ou leur mise au repos sous la forme de cellules quiescentes nommées cellules bordantes. Les ostéoblastes envoient des expansions cytoplasmiques s’enfonçant dans la matrice osseuse et qui établissent des contacts de type jonctions gap avec des ostéocytes des ostéoblastes.

2) les ostéocytes : ce sont des ostéoblastes différenciés, post-mitotiques (dont l'activité mitotique est faible ou nulle) entourés de matrice osseuse calcifiée. Les ostéocytes siègent dans des logettes dépourvues de paroi propre, les ostéoplastes, d'où partent des canalicules anastomosés contenant les prolongements cytoplasmiques des ostéocytes. Ces prolongements sont reliés entre eux par des jonctions communicantes.  Les fonctions remplies par les osteocytes sont encore mal connues alors qu'il s’agit des cellules les plus nombreuses au sein du tissu osseux. Des données récentes suggèrent toutefois que ces  cellules seraient sensibles aux forces de tension mécanique exercées sur l'os et seraient capables en retour de réguler l’activité des ostéoblastes (possiblement via les jonctions gap qui les relient aux ostéoblastes).

3) les cellules bordantes : les cellules bordantes sont des ostéoblastes au repos, qui, en cas de besoin, sont capables de s'activer et de se re-différencier en ostéoblastes. Par opposition aux ostéoblastes,  ce sont des cellules aplaties et possédant peu d'organites cellulaires. Par contre, comme les ostéoblastes, elles sont reliées entre elles, ainsi qu'avec les ostéocytes voisins, par des jonctions communicantes.

4) les ostéoclastes : ce sont les macrophages spécialisés du tissu osseux (donc des cellules appartenant au système immunitaire). Il s’agit de cellules géantes (20 à 100 microns de diamètre), plurinucléées et hautement mobiles. L’ostéoclaste est ainsi capable de se déplacer à la surface du tissu osseux d'un site de résorption à un autre. Chaque site de résorption constitue ce qu'on appelle une lacune de Howship

Lorsqu’il est activé, l’ostéoclaste établit un contact étroit avec la matrice osseuse qu’il résorbe. Au niveau de cette zone de contact, on observe que la cellule se polarise  i) au niveau du cytoplasme : il y a un enrichissement considérable en lysosomes ;  ii) au niveau de la membrane plasmique : on note la présence de nombreuses microvillosités formant une bordure en brosse. Cette zone de contact est délimitée par un anneau de podosomes qui établissent des jonctions cellule-matrice. Ces podosomes permettent un attachement ferme à la matrice et la délimitation d’une chambre de digestion « étanche » (chambre de résorption) dont le milieu (extra-cellulaire) présente une composition spécifique (Cf infra, l'ostéoclasie).

D) La matrice osseuse : elle comprend une phase organique, comme toutes les matrices, et une phase minérale.

1) la phase minérale : la phase minérale de la matrice osseuse est constituée de cristaux dont la composition chimique comprend de l'hydroxy-apatite (phosphate de calcium cristallisé) et du carbonate de calcium. Ces cristaux sont visibles en microscopie électronique et sont localisés soit entre les fibres de collagène soit à l'intérieur de celles-ci. Ils se présentent sous la forme de petites aiguilles hexagonales, denses aux électrons. Des ions calcium et phosphates sont situés en surface de ces cristaux et participent à des échanges rapides avec le liquide interstitiel et donc avec le courant sanguin. Ainsi, l'os contient 98 % du calcium de l'organisme et représente un réservoir essentiel de calcium.

2) la matrice organique : La matrice osseuse organique est composée de microfibrilles de collagène I, de protéoglycanes, ainsi que de 3 molécules impliquées dans la minéralisation de la matrice : l'ostéocalcine, marqueur des ostéoblastes matures, ainsi que, pour mémoire, l'ostéopontine et l'ostéonectine. La matrice organique contient également de la thrombospondine, molécule qui joue un rôle dans l’attachement de l’ostéoclaste à la matrice lors de la phase de résorption.

F) le remodelage osseux : il concerne tous les types d’os mature et est le fruit d’une coopération étroite entre les ostéoclastes et les ostéoblastes. La résorption, suivie de la formation de tissu osseux, s'effectue grâce à des unités fonctionnelles de remodelage où ostéoclastes et ostéoblastes sont étroitement associés. Un cycle de remodelage dure environ 4 mois chez l'adulte. Durant ce cycle, la phase de formation est plus longue que celle de résorption. Le remodelage osseux s’effectue en 4 phases :

1) Phase d'activation : la surface osseuse est normalement recouverte de cellules bordantes qui empêchent l'accès des ostéoclastes à la matrice osseuse. Sous l'action de facteurs ostéorésorbants tels que l'hormone parathyroïdienne, les cellules bordantes se rétractent et libèrent l'accès aux ostéoclastes qui peuvent adhérer à la matrice osseuse. Parallèlement, l'afflux des ostéoclastes est favorisé par la prolifération puis la différenciation de leurs précurseurs hématopoïétiques sous l'effet de plusieurs molécules synthétisés par les ostoblastes. Parmi celles-ci, citons le M-CSF ("macrophage colony stimulating factor").

2) Phase de résorption du tissu osseux : l’activité de résorption osseuse des ostéoclates, l’ostéoclasie, s’effectue en 2 phases :

a) fixation de l’ostéoclaste à la matrice sous-jacente et délimitation d’un compartiment extra-cellulaire nommé chambre de résorption ou chambre de digestion. Les prolongements de la membrane plasmique délimitant cette zone sont nommés podosomes et contiennent des molécules transmembranaires d’intégrines. Ces molécules d'intégrines sont reliées d’une part à des molécules intracytoplasmiques (pour mémoire : taline, vinculine) et d’autre part à des molécules de la matrice, en particulier la thrombospondine. La juxtaposition de plusieurs ostéoclastes en activité délimitant chacun une chambre de résorption permet d’identifier des zones de résorption osseuse nommées lacune de Howship.

b) résorption osseuse : cette phase nécessite une dissolution de la phase minérale par acidification de la chambre de digestion puis une dégradation de la phase organique sous l'action d'enzymes protéolytiques lysosomales. L’acidification est liée à l’activation d’une pompe à proton, localisée au niveau de la bordure en brosse de l’ostéoclaste, l'anhydrase carbonique type II. Dans un deuxième temps, des enzymes lysosomiales sont déversées dans la chambre de digestion et voient leur activité induite par l’acidification du Ph.

3) phase d'inversion : quand les ostéoclastes ont fini de creuser une lacune, ils meurent par apoptose et sont remplacés par des macrophages qui lissent le fond de la lacune.

4) phase de formation de tissu osseux : elle comporte 2 temps qui sont i) la production de matrice par les ostéoblastes, ii) la minéralisation de cette matrice par les ostéoblastes.

5) régulation : multitudes de facteurs systémiques (sanguins) et locaux régulent le remodelage osseux. Deux facteurs sanguins à connaître, car ils sont utilisés en thérapeutique : les oestrogènes stimulent l’activité des ostéoblastes, la calcitonine inhibe l’activité des ostéoclastes.

G) Pathologie osseuse :

1) ostéoporose : jusqu'à l'âge de 20 ans, la masse osseuse augmente progressivement. A cet âge, le capital osseux est constitué puis reste stable pendant quelques années. Par la suite, chez la femme comme chez l'homme, l'ostéorésorption l'emporte sur l'ostéoformation mais la perte osseuse s'accélère nettement chez la femme à la ménopause, du fait de la carence en oestrogènes. Cette ostéoporose augmente considérablement le risque de fracture et est l'une des principale justification des traitements oestrogéniques substitutif prolongé chez les femmes ménopausées.

2) maladie de Paget : il s'agit d'une maladie osseuse d’étiologie inconnue (possible origine virale), touchant préférentiellement l'homme adulte. Cette pathologie est caractérisée par des douleurs et des déformations osseuses qui serait lié à une activité anormale, désordonnée, des ostéoclastes. L'un des principaux traitements de la maladie de Paget est la calcitonine.